La méthode SMART pour fixer des objectifs de soin psychomoteur

La méthode SMART pour fixer des objectifs de soin psychomoteur

🙋‍♀️ Que celui qui n’a jamais entendu parler des objectifs SMART lève le doigt. Cette méthode issue du marketing est désormais connue pour soutenir la détermination d’objectifs dans de nombreux autres domaines, en ce-compris le médical, le paramédical … et donc la psychomotricité.

Si c’est un outil de travail qui peut paraître d’emblée fort théorique, rigide ou éloigné de la pratique psychomotrice, il représente à mon sens une ligne de conduite super intéressante pour donner un cadre à nos prises en charge 🖼

🎯 Alors go : je t’explique dans cet article comment j’utilise la méthode SMART au cabinet pour fixer des objectifs de soin psychomoteur, et plus largement pour cadrer mes interventions.

Ecoute cet épisode sur le podcast ⤴️
Et si tu préfères lire, voici le résumé :

C’est quoi la méthode SMART ?

🏴󠁧󠁢󠁥󠁮󠁧󠁿 En anglais, “smart” signifie “intelligent”. C’est l’accronyme parfait pour retenir les 5 critères d’un objectif pertinent qui pourra devenir un véritable outil au service de tes interventions :

S comme Spécifique

Les objectifs SMART sont très ciblés. Ce sont généralement des micro-objectifs qui, si on les additionne, permettront d’atteindre un objectif plus large, plus macro.

Si ton objectif est trop général, à toi de faire un petit travail de planification pour découper celui-ci en plusieurs sous-objectifs que tu pourras ensuite peaufiner avec la méthode SMART. Ce faisant, tu balises le chemin à poursuivre avec ton patient, petit pas par petit pas pendant vos séances de psychomotricité.

✖️ Améliorer son écriture, désensibiliser son sens tactile, renforcer ses compétences émotionnelles … sont des objectifs trop larges.

✔️ Séquence ceux-ci en plusieurs sous-étape. Précise les activités et les contextes concernés pour apporter une composante écologique à tes objectifs.

Par exemple : écrire lisiblement les devoirs dans le journal de classe, se laver les mains avant chaque repas, identifier les émotions de base … là on est plus précis 👌

M comme Mesurable

L’objectif d’un objectif … c’est d’être atteint, n’est-ce pas ? Alors comment savoir si un objectif est atteint ? Il faut pouvoir le mesurer. Quantitativement ou qualitativement, les critères de satisfaction de l’objectif doivent être clairement précisés pour permettre à chacun, professionnel, patient et parent, de se voir progresser.

✖️ Reprenons nos objectifs peu spécifiques du point précédent : améliorer son écriture, désensibiliser son sens tactile, renforcer ses compétences émotionnelles. Ceux-ci sont également difficilement quantifiables.

✔️ Précise alors les comportements à observer pour valider l’objectif. Et sois précis : combien de fois ? combien de temps ? à quels moments ?

Continuons à appliquer la méthode SMART à nos exemples d’objectifs :

  • écrire lisiblement les devoirs dans le journal de classe pour réussir chaque jour à se relire au moment de faire les devoirs à la maison ;
  • se laver les mains systématiquement avant chaque repas et après être passé aux toilettes (8 à 10 fois par jour) pendant une minute ;
  • identifier les 6 émotions de base (joie, colère, tristesse, surprise, dégoût et peur) sur base de leurs expressions faciales quand elles sont mimées et présentées en photo.

A comme Atteignable ou Attractif

Quand on transpose le modèle SMART au paramédical, on trouve différentes approches pour le A qui sont toutes deux intéressantes.

☝️ Se poser la question de l’atteignabilité d’un objectif permet d’envisager l’accompagnement du patient dans la réalisation et la généralisation de celui-ci. Quelles sont les étapes qui permettront au patient d’atteindre cet objectif ? En a-t-il les capacités ? Quelles seront les stratégies thérapeutiques déployées ? Comment généraliser les acquis au quotidien ?

✌️ Se poser la question de l’attractivité de l’objectif recentre nos préoccupations sur celles du patient et de sa famille. Sont-ils motivés par cet objectif ? Que vont-ils y gagner ?

Si je reprends nos petits exemples d’objectifs du point précédent, voici ce que ça donne :

  • Écrire lisiblement les devoirs dans le journal de classe pour réussir chaque jour à se relire au moment de faire les devoirs à la maison.
    → C’est un objectif atteignable et attractif pour un enfant pris dans un cercle vicieux d’échecs et d’accumulation de devoirs liés à des difficultés graphiques.
    → Le plan de traitement s’articulera autour des aménagements sensoriels et d’une rééducation graphique avec sans doute un soutien attentionnel et exécutif (selon le bilan).
  • Se laver les mains systématiquement avant chaque repas et après être passé aux toilettes (8 à 10 fois par jour) pendant une minute.
    → C’est un objectif atteignable, mais peut-être peu attractif pour un enfant présentant des troubles sensoriels au-niveau du toucher.
    → Du coup, une stratégie motivationnelle de renforcement positif pourra être intégrée au plan de traitement pour favoriser l’adhérence de l’enfant.
  • Identifier les 6 émotions de base (joie, colère, tristesse, surprise, dégoût et peur) sur base de leurs expressions faciales quand elles sont mimées et présentées en photo.
    → Cet objectif est également atteignable mais peu attractif : à quoi cela va-t-il servir à l’enfant de pouvoir identifier ces émotions sur les visages ?
    → En fonction de la situation, l’objectif pourra être reformulé pour mettre en avant le bénéfice écologique de celui-ci. Est-ce que ça lui permettra d’identifier plus finement ses propres émotions, pour réagir avant qu’elles ne soient trop intenses ? De mieux lire les émotions de ses camarades pour adapter ses comportements avant d’entrer en conflit avec les autres ?

R comme Réaliste

Un objectif pertinent se doit d’être ancré dans la réalité. Ce critère rejoint le précédent. Là où le critère d’attractivité questionne les aspects motivationnels et les bénéfices liés à l’atteinte de l’objectif, le critère de réalité questionne les aspects écologiques.

L’objectif est-il issu du contexte de vie du patient ? A-t-il une utilité dans sa vie quotidienne ? Si le patient est rééllement confronté à cet objectif au jour le jour, il sera bénéfique pour lui de s’améliorer. Cela veut également dire que des opportunités d’entrainement et de généralisation se présentent à lui spontanément.

✖️ Le seul objectif de nos exemples à retravailler, comme déjà évoqué au point précédent, est celui concerne les émotions. Il n’est pas suffisamment relié à des éléments concrets issus du quotidien du patient.

Admettons que le patient concerné soit un enfant qui éprouve des difficultés à réguler ses émotions d’une manière socialement acceptable, avec des crises soudaines et intenses difficiles à anticiper pour la famille et les intervenants scolaires, et de nombreux conflits avec ses camarades pendant les récréations.

✔️  L’objectif SMAR (ben oui on a pas encore fait le T, hihi) pourrait être celui-ci : identifier les sensations corporelles liées à l’émergence des 6 émotions de base avant et après chaque récréation.

→ Ce faisant, l’objectif est replacé en contexte écologique, et notamment au moment qui pose le plus de problème à l’école. Le plan de traitement intégrera certainement un travail sur les expressions faciales et la mise en place d’une stratégie de généralisation (via contact avec l’enseignant et/ou un cahier pour faire ses exercices).

T comme Temporellement défini

S’il y a bien un critère utile, c’est celui-ci : dans combien de temps (r)éévalue-t-on la satisfaction de l’objectif ? Combien de temps se laisse-t-on pour le travailler ?

Préciser un délai permet de clarifier le cadre de tes interventions et de donner du sens à celles-ci auprès de l’entourage de ton patient. Tu peux préciser celui-ci en nombre de séances et/ou en durée chronologique (semaines, mois).

Si d’emblée, tu précises que l’objectif sera travaillé pendant 4 mois avant réévaluation, tout le monde sait à quoi s’attendre en termes de résultats escomptés et de vitesse de progression attendue.

Les objectifs SMART au service de tous les intervenants

Tu l’auras compris, poser des objectifs SMART pour la psychomotricité, ça ne se fait pas en deux coups de cuillère à pot 😇 C’est un véritable processus réflexif qui te pousse à clarifier le chemin que tu proposes au patient, et à sa famille, de poursuivre avec toi.

C’est un grand service que tu rendras à tous les intervenants :

  • Le patient et sa famille en premier, car les attentes qu’ils peuvent avoir de leur investissement (en temps et en argent) dans le suivi psychomoteur sont plus claires. Ils comprennent mieux ce qui est mis au travail, comment, pendant combien de temps, pour quoi faire … ainsi l’adhérence et l’alliance en seront meilleures.
  • Toi, en tant que psychomotricien ou psychomotricienne, car tes interventions seront mieux construites. Tu auras plus de facilités à choisir tes outils et les médiations que tu utiliseras en séance. Tu connaîtras le sens de ton travail pour tes patients, et tu pourras évacuer tout syndrome de l’imposteur en approche 🤓

En résumé

La méthode SMART t’aide à construire tes objectifs de suivi psychomoteur en t’assurant que ceux-ci soient :

  • Spécifiques (micro plutôt que macro)
  • Mesurables (avec des critères quantitatifs ou qualitatifs)
  • Atteignables et attractifs (inscrits dans un plan de traitement et motivants)
  • Réalistes (ancrés dans le quotidien)
  • Temporellement défini (exit le ballotement dans les suivis)

Bref, c’est du travail mais c’est tout bénef pour tout le monde 👌

🪧 Plus tu réaliseras cet exercice, plus tu seras à l’aise. Et puis, tu te constitueras progressivement une petite banque d’objectifs SMART avec plans de traitement associés dans laquelle venir piocher. Tu peux même intégrer celle-ci à ton second cerveau pour systématiser cet aspect de ton travail.

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